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Les plantes adaptogènes : un trésor naturel à préserver

Dernière mise à jour : 6 déc. 2024

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Cet article explore les fascinantes et très populaires plantes adaptogènes. Il inclut également une interview de Marie Nauleau (praticienne en herboristerie) ainsi qu’un entretien avec Muriel Charlier (docteure en phytothérapie).


Un article rédigé par Floriane Chakri, herboriste et conseillère hildegardienne. Pour plus d'informations, n'hésitez pas à visiter sa page Facebook : Globe Flower.


 

Sommaire :

 

Introduction


Les plantes adaptogènes, célébrées depuis des siècles dans diverses traditions médicales telles que l'Ayurveda et la médecine traditionnelle chinoise, connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt.


Ces plantes sont réputées pour leur capacité à augmenter la résistance de l’organisme face aux divers stress, qu'il soit physique, mental ou environnemental.


Mais alors que leur popularité grandit, un problème majeur se pose : l’exploitation excessive de ces plantes menace leur écosystème et leur durabilité.


 

Qu'est-ce qu'une plante adaptogène ? 



Les adaptogènes sont un groupe de plantes qui aident l’organisme à retrouver un équilibre homéostatique, améliorant ainsi la réponse aux situations de stress.


Le concept d’adaptogène a été introduit par le pharmacologue et toxicologue russe Nicolaï Lazarev dans les années 1940. Selon la définition moderne, une plante adaptogène doit remplir trois critères :


  1. Elle doit être non toxique,

  2. Améliorer la résistance de l'organisme face aux facteurs de stress,

  3. Et contribuer à normaliser les fonctions corporelles.


Parmi les plantes adaptogènes les plus connues, on trouve : 

  • Le ginseng (Panax ginseng) : utilisé dans la médecine traditionnelle chinoise, il améliore l'énergie et renforce l'immunité. 

  • L'ashwagandha (Withania somnifera) : plante ayurvédique aux propriétés relaxantes et revitalisantes.

  • La rhodiola (Rhodiola rosea) : plante des régions arctiques, réputée pour augmenter la concentration et combattre la fatigue. 

  • L'éleuthérocoque (Eleutherococcus senticosus) : parfois appelé ginseng sibérien, il est utilisé pour ses effets stimulant la vigueur et la résistance au stress.


 

L'engouement contemporain et les risques écologiques 


Le regain d’intérêt pour les plantes adaptogènes dans le monde occidental est en grande partie lié à la recherche de solutions naturelles pour gérer le stress et améliorer la qualité de vie.


Des études scientifiques ont montré que certaines de ces plantes, comme la rhodiola et l’ashwagandha, possèdent effectivement des propriétés modératrices du stress et améliorent la performance cognitive et physique.


Cependant, cette popularité a un coût écologique.


Prenons l'exemple de la Rhodiola rosea, une plante originaire des régions montagneuses et arctiques d’Europe et d’Asie. En raison de son habitat spécifique et de la lenteur de sa croissance, la surrécolte menace sérieusement les populations sauvages.


Des études montrent que l’augmentation de la demande a conduit à un prélèvement excessif, mettant en danger sa survie dans certaines zones.


La récolte non durable, souvent sans régulations locales suffisantes, appauvrit les écosystèmes fragiles où ces plantes jouent un rôle crucial dans l’équilibre biologique. 


 


Les dangers de l'exploitation abusive : un problème multifacette 


Outre l'impact direct sur les populations de plantes sauvages, la surexploitation des plantes adaptogènes a également des répercussions sur les communautés locales.


Dans certaines régions, comme la Sibérie ou l'Himalaya, des pratiques non régulées menacent à la fois la biodiversité locale et les moyens de subsistance des communautés qui dépendent de la récolte de ces plantes.


L’agriculture sauvage de ces plantes pose également des questions sur la qualité et la sécurité des produits.


Les plantes issues de la récolte sauvage peuvent être contaminées par des pesticides ou des métaux lourds en raison des conditions environnementales, ce qui compromet leurs bienfaits pour la santé et peut provoquer des effets indésirables pour les consommateurs.


L'exploitation abusive des plantes adaptogènes ne se limite pas seulement à leur raréfaction dans la nature, mais elle engendre aussi des répercussions à la fois sociales, écologiques et sanitaires, affectant profondément les communautés locales et la qualité des produits à destination des consommateurs. 


Impact sur les communautés locales 

Les régions où poussent naturellement les plantes adaptogènes, telles que la Sibérie, l'Himalaya ou les plateaux tibétains, abritent des populations qui dépendent de la récolte de ces plantes pour leurs moyens de subsistance.


Depuis des générations, ces communautés pratiquent des récoltes de manière durable et respectueuse de leur environnement.


Cependant, l'augmentation de la demande mondiale pour les adaptogènes, en particulier pour des plantes telles que la rhodiola rosea ou le ginseng sauvage, a conduit à une exploitation industrielle qui éclipse ces pratiques traditionnelles.


Cette exploitation non régulée pose plusieurs problèmes pour ces communautés. 


Les grandes entreprises étrangères ou extérieures à la région s'emparent de l’exploitation des ressources, souvent sans redistribuer équitablement les bénéfices. Les populations locales, autrefois gardiennes de ces plantes, se trouvent écartées du marché et perdent une source de revenus importante. 


L’exploitation à grande échelle s'accompagne souvent d’une réduction de l'importance des savoir-faire traditionnels. Ces pratiques, transmises de génération en génération, respectent le rythme naturel de croissance des plantes et préservent les écosystèmes. Lorsque la pression commerciale augmente, ces savoirs sont négligés, voire oubliés. 


Lorsque les plantes adaptogènes sont surrécoltées ou que leur habitat est détruit, cela affecte l'environnement local. Des paysages autrefois riches en biodiversité se trouvent dégradés, ce qui impacte directement les moyens de subsistance des populations locales. 


Menaces écologiques et biodiversité 

Les plantes adaptogènes poussent souvent dans des environnements très spécifiques, qui ne peuvent pas être recréés facilement ailleurs. Leur prélèvement excessif perturbe non seulement leur propre cycle de croissance, mais aussi l'écosystème dans son ensemble. 


La récolte excessive des plantes comme la rhodiola rosea ou l'éleuthérocoque menace leur survie dans la nature. Ces espèces jouent un rôle crucial dans l'écosystème local, en offrant de la nourriture et des abris à diverses formes de vie. Leur disparition entraîne un appauvrissement de la biodiversité et peut provoquer des déséquilibres écologiques graves. 


La collecte non durable des plantes adaptogènes dans des zones montagneuses ou forestières fragiles entraîne l'érosion des sols et la dégradation des écosystèmes. Ces environnements, déjà soumis aux aléas climatiques et à des conditions difficiles, deviennent encore plus vulnérables face à l'exploitation humaine.


Questions de qualité et de sécurité

L’exploitation non durable des plantes adaptogènes pose également des problèmes majeurs en termes de qualité et de sécurité des produits dérivés. 


Les plantes adaptogènes récoltées dans des environnements non contrôlés peuvent être exposées à divers polluants, tels que les pesticides, les métaux lourds ou encore les polluants environnementaux.

Ces substances toxiques, présentes dans l'air, le sol ou l'eau, se retrouvent dans les produits à base de plantes, compromettant leur pureté et leur efficacité. 


La surrécolte et les pratiques non durables peuvent affaiblir la concentration des composés actifs dans les plantes adaptogènes.


Par exemple, une récolte trop précoce ou dans des conditions défavorables peut diminuer les niveaux de rosavine dans la rhodiola ou de ginsénoside dans le ginseng, réduisant ainsi l'efficacité des produits fabriqués à partir de ces plantes. 


Dans le cadre de récoltes sauvages non régulées, il est difficile de garantir la traçabilité des plantes. Cela expose les consommateurs à des produits de qualité inégale, voire dangereux.


Sans certification ou contrôle de qualité, les produits peuvent contenir des substances nocives ou ne pas offrir les bienfaits attendus, ce qui compromet la réputation de la phytothérapie. 


 


Conséquences à long terme 


La surexploitation des plantes adaptogènes et la dégradation des environnements dans lesquels elles poussent ont des répercussions durables. Si des mesures ne sont pas prises pour réguler la récolte, soutenir les communautés locales et protéger la biodiversité, certaines de ces plantes pourraient devenir si rares qu’elles disparaîtraient totalement de leurs habitats naturels. 


Le cas de la rhodiola rosea en est un exemple frappant.


Répertoriée comme espèce vulnérable dans certaines régions, elle fait face à une exploitation illégale croissante, et les pratiques de replantation ne suffisent pas à compenser les pertes écologiques.

De plus, les changements climatiques pourraient aggraver cette situation en modifiant encore davantage les environnements déjà fragiles où poussent ces plantes. 


La surexploitation des plantes adaptogènes a des effets écologiques, économiques, et sociaux significatifs, qui risquent de devenir irréversibles si des mesures ne sont pas prises.


Ces conséquences se manifestent sur plusieurs niveaux, tant au niveau des espèces menacées que des écosystèmes et des communautés humaines. 


 

Solutions possibles


Encourager la culture durable des plantes adaptogènes via des pratiques d’agriculture biologique et régulée pour réduire la pression sur les populations sauvages. 


Mettre en place des régulations plus strictes pour contrôler l’exploitation sauvage, notamment à travers des législations nationales et internationales, tout en soutenant des programmes de reforestation et de replantation. 


Offrir un soutien aux communautés locales pour qu’elles puissent tirer des bénéfices équitables des ressources naturelles tout en préservant les écosystèmes. 


Les consommateurs doivent être informés de l'impact écologique de leurs choix. En se tournant vers des marques transparentes et engagées, ils peuvent encourager une exploitation plus responsable des ressources naturelles. 


Les gouvernements et les organisations internationales doivent renforcer la législation concernant la récolte et le commerce des plantes sauvages, en s’appuyant sur des critères de durabilité. 


 


L’utilisation à long terme des plantes adaptogènes est-elle sans risque pour la santé? 


L'utilisation des plantes adaptogènes à long terme, bien que généralement considérée comme sûre pour la plupart des personnes lorsqu'elles sont prises à des doses appropriées, peut comporter certains risques pour la santé. La question ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique. 


Voici quelques effets potentiels à prendre en compte


Déséquilibre hormonal


Certaines plantes adaptogènes, comme le ginseng et l'ashwagandha, peuvent influencer le système endocrinien en modulant les niveaux d'hormones comme le cortisol et la testostérone.


À long terme, cela pourrait entraîner des déséquilibres hormonaux, particulièrement chez les personnes sensibles ou présentant des conditions médicales sous-jacentes. Une utilisation prolongée sans suivi médical pourrait affecter les glandes surrénales et le métabolisme hormonal. 


Accoutumance physiologique 


Bien que les plantes adaptogènes soient vantées pour leurs effets équilibrants, certaines études suggèrent qu'une utilisation continue pourrait entraîner une accoutumance.


Cela signifie que le corps pourrait devenir de moins en moins réactif aux effets positifs des plantes, nécessitant des doses plus élevées pour obtenir les mêmes résultats.


Cet effet est particulièrement préoccupant avec des plantes comme la rhodiola et l'éleuthérocoque. 


Pour conclure, une utilisation prolongée ou excessive sans suivi médical peut entraîner des risques pour la santé, notamment des déséquilibres hormonaux, une accoutumance, et des interactions médicamenteuses.


Il est important de les utiliser de manière responsable, en consultant un professionnel de santé, particulièrement pour un usage à long terme. 

La transparence des informations sur les adaptogènes 


En faisant des recherches sur les plantes adaptogènes, il est fréquent de tomber sur des articles et des contenus créés par des entreprises vendant des produits à base de ces plantes.


Ces sites, bien qu’ils fournissent souvent des informations intéressantes sur les bienfaits des adaptogènes, ne mettent généralement pas l'accent sur les risques potentiels d'une utilisation prolongée ou sur les effets néfastes sur l'environnement liés à la surexploitation de ces plantes.


Leur objectif principal est souvent de vendre des compléments alimentaires, ce qui peut biaiser les informations fournies.


En tant que consommateurs, il est important d'être conscient de ce biais commercial et de se tourner vers des sources d'informations fiables et indépendantes pour évaluer objectivement les risques et les avantages de l'utilisation des plantes adaptogènes.


Cela inclut de vérifier si les produits sont issus de sources durables et s’ils sont certifiés pour leur qualité, tout en étant attentif à la nécessité de modération dans leur usage.


 

Le romarin est-il une plante adaptogène? 


Bien que le romarin (Rosmarinus officinalis) présente des propriétés thérapeutiques intéressantes, notamment en tant qu'antioxydant, anti-inflammatoire et neuroprotecteur, les études actuelles sur ses effets ne suffisent pas à le qualifier formellement de plante adaptogène.


Les plantes adaptogènes, par définition, doivent non seulement aider l'organisme à s'adapter au stress de manière généralisée et sans effets secondaires majeurs, mais aussi répondre à des critères stricts comme la normalisation des fonctions physiologiques dans des contextes variés de stress (physique, mental, environnemental).


À ce jour, les recherches sur le romarin se concentrent principalement sur ses effets cognitifs et anti-inflammatoires, particulièrement dans le cadre de la prévention des maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson. 


Cependant, il manque des études approfondies qui démontreraient un effet global sur la résistance au stress à long terme et dans différents contextes physiologiques, un critère essentiel pour classer une plante comme adaptogène.


En l'absence de preuves solides dans ce domaine, le romarin ne peut pas encore être considéré comme un adaptogène à part entière. 

 


Conclusion


Les plantes adaptogènes offrent de nombreuses promesses en termes de bien-être et de santé, mais leur exploitation sans considération écologique pourrait mener à la disparition de certaines espèces et à l’appauvrissement des écosystèmes.


Il est donc essentiel que les consommateurs, les producteurs et les gouvernements collaborent pour protéger ces plantes précieuses, tout en assurant un accès équitable et durable à leurs bienfaits. 


Quant aux effets sur notre organisme, les mesures de précaution sont de mise, comme c’est le cas pour toutes les plantes médicinales. 


La nature nous fournit des trésors pour prendre soin de notre santé, mais c'est notre responsabilité collective d'assurer leur préservation pour les générations futures. 


 

Discussion avec Marie Nauleau 


Ingénieure de formation, Marie a exercé pendant 10 ans en tant que chef de projets dans la dépollution de l'eau et l'environnement.


En 2016, elle se tourne vers l'herboristerie pour soulager des troubles digestifs et de fatigue chronique.


Formée à l’École Lyonnaise des Plantes Médicinales (ELPM), elle crée en 2020 sa structure de conseil en herboristerie et rejoint l'équipe de Christophe Bernard, herbaliste renommé.



Marie intègre également la naturopathie et la micronutrition dans sa pratique et continue de se former sur des sujets spécialisés.


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Floriane Chakri - "Peux-tu expliquer les mécanismes biologiques par lesquels les plantes adaptogènes agissent sur le corps humain, notamment sur le stress et les fonctions hormonales ?"


Marie Nauleau -"Les mécanismes d'action des plantes adaptogènes sur le corps humain ne sont pas complètement élucidés, mais il existe des observations et des hypothèses basées sur les effets observés lors de leur utilisation.


Contrairement aux plantes sédatives comme la lavande ou le tilleul, qui induisent un effet relaxant direct, les plantes adaptogènes modulent l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS).


Les adaptogènes agissent de manière dynamique en fonction des différentes phases du stress. Par exemple, dans la première phase du stress, lorsque le corps est encore en mode de résistance et que les niveaux de cortisol sont élevés, on privilégie les adaptogènes aux effets calmants pour contrer la production excessive de cortisol.


En revanche, dans la phase d'épuisement, lorsque les glandes surrénales sont fatiguées et que les niveaux de cortisol sont trop bas, on choisit des stimulants adaptogènes pour augmenter la production de cortisol et restaurer l'énergie.


L'objectif principal des adaptogènes est donc de rechercher la modulation du cortisol."



F. C. - "Quels sont, selon toi, les risques potentiels pour la santé liés à l'utilisation prolongée des plantes adaptogènes comme l'ashwagandha, la rhodiola ou le ginseng ?"


M. N. -"Tout d'abord la définition des plantes adaptogènes repose sur trois axes établis par Brekhman et Dardymov en 1968.


Elles sont considérées comme non toxiques , pouvant être utilisées à des doses physiologiques sur de longues périodes sans causer de danger. , contrairement à d'autres plantes.


Deuxièmement, elles produisent une réponse non spécifique , c'est-à-dire qu'elles améliorent la capacité de l'organisme à répondre au stress de manière générale, sans cibler un organe ou une fonction spécifique. Enfin, elles normalisent les processus physiologiques en calmant les excès et stimulant les carences .


Toutefois, bien que ces plantes soient considérées comme sûres, il est important de noter qu'elles ont une inertie d'action , prenant du temps pour montrer leurs effets, mais ces effets peuvent perdurer même après l'arrêt du traitement. Elles sont souvent prises sur plusieurs mois dans le cadre de maladies chroniques comme la maladie de Lyme, où elles aident à moduler la réponse immunitaire.


Concernant les risques, l'ashwagandha est citée pour son potentiel à devenir toxique pour le foie en raison de certains alcaloïdes qu'elle contient, ce qui nécessite une évaluation bénéfice-risque. En particulier, les personnes souffrant d'insuffisance hépatique ou rénale devraient l'utiliser avec prudence, comme cela est souligné par des thérapeutes aux États-Unis et au Québec.


La rhodiole et le ginseng , quant à eux, sont des adaptogènes toniques du système nerveux, mais peuvent augmenter la tension artérielle chez certaines personnes, ce qui les rend inappropriés pour un usage prolongé chez les personnes souffrant d'hypertension. Le ginseng peut également être trop excitant pour certaines personnes, provoquant des troubles du sommeil.


En somme, il est crucial d'adapter l'utilisation des plantes adaptogènes en fonction des besoins et du tempérament de chaque personne. Il n'y a jamais d'utilisation prolongée sans risques, et l'herboriste doit peser le pour et le contre tout en prenant en compte la sensibilité individuelle."



F. C. - "Existe-t-il, à ta connaissance, des études scientifiques qui montrent des effets indésirables sur le très long terme (plusieurs mois voire années) ? Que conseillerais-tu aux personnes qui prennent des adaptogènes de manière régulière sur de longues périodes ? Devraient-elles prendre des pauses ou ajuster les doses ?"


M. N. -"Sauf dans certains cas spécifiques comme les maladies inflammatoires chroniques (telles que la fibromyalgie ou la maladie de Lyme), qui nécessitent un soutien immunitaire constant, il n'y a pas de réelle utilité à prendre des plantes adaptogènes sur le long terme. Il est plutôt recommandé de les consommer sur le moyen terme , pour aider à traverser des périodes difficiles ou des phases de stress.


Il serait contre-productif de les prendre en continu, car ces plantes sont conçues pour accompagner des moments précis de la vie, mais ne peuvent pas, à elles seules, résoudre les problèmes sans un soutien en termes de repos et de bien-être général. 


En ce qui concerne les pauses, je précise qu'il n'est pas nécessaire d'interrompre leur prise à intervalle régulier comme avec d'autres plantes.


Cependant, il est essentiel d'arrêter le traitement dès que le besoin disparaît, c'est-à-dire une fois que la personne a surmonté la difficulté ou le stress auquel elle était confrontée.


Les adaptogènes ne doivent pas être vues comme un traitement à prendre en permanence, mais plutôt comme un soutien temporaire."



F. C. - "Plusieurs plantes adaptogènes affectent le cortisol et d'autres hormones. Quels sont les risques d'un déséquilibre hormonal à long terme ? Y a-t-il des études démontrant un impact direct des adaptogènes sur les glandes surrénales, notamment en ce qui concerne le risque d'épuisement surrénalien ou d'accoutumance hormonale ?"


M. N. -"Je n’ai pas connaissance d'études spécifiques qui traitent directement des effets à long terme des adaptogènes sur les glandes surrénales ou des risques d'épuisement surrénalien ou d'accoutumance hormonale.


Cependant, je mets en garde contre un potentiel risque indirect : une personne sous forte pression, qui prend des adaptogènes sans ajuster son rythme de vie ou son niveau de travail, pourrait ne plus percevoir les signaux d'alerte naturels du corps (fatigue, épuisement).


Les adaptogènes, en aidant à mieux gérer le stress, pourraient masquer ces signes précurseurs, rendant plus difficile la prise de conscience de la nécessité de ralentir."


F. C. - "Les adaptogènes interagissent-ils avec des médicaments courants (antidépresseurs, antihypertenseurs, etc.) ? Quels sont les risques d'interactions médicamenteuses ?"


M. N. -"Je confirme qu'il existe des interactions possibles entre les adaptogènes et certains médicaments.


Par exemple, le ginseng est à éviter si une personne est sous antihypertenseurs , car il pourrait exacerber les effets de ces médicaments.


De même, la rhodiole ne devrait pas être prise en même temps que des antidépresseurs , en raison d'effets agonistes potentiels qui pourraient amplifier l'action des médicaments. 


Je souligne également que de nombreuses plantes adaptogènes influencent le métabolisme et la régulation du taux de sucre dans le sang, ce qui peut interagir avec les antidiabétiques.


Toutefois, dans la pratique, ces plantes n'ont généralement pas d'effets hypoglycémiants suffisamment puissants. En somme, je recommande la prudence et une prise en charge au cas par cas."



F. C. - "Recommanderais-tu la prudence pour certains groupes de patients, par exemple ceux sous traitement hormonal ou avec des conditions de santé spécifiques troubles thyroïdiens) ?"


M. N. -"Je recommande effectivement la prudence pour certains groupes de patients, notamment ceux souffrant de troubles thyroïdiens.


Par exemple, l'ashwagandha est déconseillée chez les personnes atteintes d'hyperthyroïdie, car elle peut stimuler le fonctionnement de la thyroïde.

Bien que cette précaution ne fasse pas l'unanimité dans la communauté des phytothérapeutes, elle préfère rester prudente en raison des effets stimulants de cette plante.


En outre, pour les patients sous traitement pour la thyroïde, une vigilance particulière est de mise en raison des effets agonistes potentiels, c'est-à-dire que l'ashwagandha pourrait amplifier les effets du traitement."



F. C. - "Le cassis et le romarin sont souvent vantés pour leurs propriétés médicinales. Penses-tu qu'il existe suffisamment de preuves pour les classer parmi les plantes adaptogènes ?"


M. N. -"Le bourgeon de cassis, sous forme de gemmothérapie, est stimulant des glandes surrénaliennes donc il a un effet très intéressant surtout en phase d’épuisement ( phase trois du stress).


Le romarin, quant à lui, est légèrement tonique du système nerveux, en plus de ses actions d’amélioration de la fonction cognitive et de la circulation sanguine générale.


Cependant malgré leurs excellentes propriétés médicinales, ni le cassis ni le romarin ne peuvent être recommandés comme des plantes adaptogènes. Ces plantes ne répondent pas à la définition des adaptogènes, car elles n'ont pas d'effet direct sur l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), essentiel pour qualifier une plante d'adaptogène.


Selon les connaissances actuelles et la pharmacopée française, aucune plante locale ne peut être classée comme adaptogène. Toutefois, il existe des questionnements autour de certaines plantes de la famille des Apiacées, comme l'angélique chinoise ou la grande berce, qui pourraient éventuellement entrer dans cette catégorie avec davantage de recherches."



F. C. - "Dans l’industrie des compléments alimentaires, les entreprises ne mettent souvent pas en avant les risques liés à l’utilisation prolongée ou les impacts environnementaux. Quelle est ta position sur la transparence des informations dans ce secteur ?"


M. N. -"La question de l'impact environnemental dans l'industrie des compléments alimentaires est cruciale.


Des efforts commencent à être faits en France pour produire localement certaines plantes adaptogènes, comme la rhodiole dans les régions de haute altitude et l'ashwagandha, qui est plus facile à cultiver. Toutefois, pour l'astragale , les tentatives de culture en France ne sont pas encore concluantes. 


Le véritable problème vient des plantes importées de pays comme l'Inde ou la Chine, où les pratiques agricoles et le manque de contrôle de la qualité entraînent une pollution élevée des plantes. En revanche, les plantes cultivées en France sont soumises à des réglementations plus strictes, ce qui garantit une meilleure qualité et une moindre pollution. 


D'un point de vue environnemental, je qualifie la situation de "catastrophique". L'utilisation massive et sans discernement des adaptogènes, souvent encouragée par des campagnes publicitaires, n'est pas durable et exerce une pression considérable sur les écosystèmes.


J’insiste sur le fait que ces plantes devraient être réservées aux moments où un soutien particulier est nécessaire et intégré dans une démarche globale de gestion du stress, en combinaison avec d'autres outils, plutôt que d'être consommées à tout-va."


 

Entretien avec Muriel Charlier

Docteure en phytothérapie, herboriste et enseignante, Muriel Charlier partage son point de vue et son usage des plantes adaptogènes dans le cadre de sa profession.


Muriel Charlier - "Le sujet des plantes adaptogènes est délicat. C’est un thème à la mode, mais le terme d’adaptogène est souvent galvaudé. Ce concept est devenu un peu fourre-tout, et il est facile de se méprendre sur sa définition.


Par exemple, dans les parapharmacies, on a tendance à se focaliser sur une partie de la définition en mettant en avant des plantes qui agissent contre le stress. Cela conduit à classer certaines plantes comme adaptogènes, alors qu’elles ne répondent pas pleinement aux critères. Cette confusion provient souvent d’une focalisation excessive sur un aspect particulier des plantes.


Un point fondamental souvent oublié dans la définition des adaptogènes est qu'il ne doit pas y avoir d'effet ciblé. Leur action est plus globale et systémique. Or, on réduit souvent leur usage à des effets anti-fatigue, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. C’est également le cas pour l’immunité : certaines plantes sont présentées comme adaptogènes lorsqu’elles renforcent le système immunitaire, mais il existe des plantes spécifiquement dédiées à l’immunité qui ne sont pas des adaptogènes."

"Si l’on replace les plantes adaptogènes dans leur contexte historique, on constate qu’elles ont toujours existé. Cependant, cette catégorie de plantes a été construite relativement récemment. Aujourd’hui, elles correspondent davantage à une classification marchande et à un public cible.


On retrouve souvent des plantes rares et coûteuses dans cette catégorie, ce qui soulève des questions éthiques, surtout lorsqu’il s’agit de plantes dont les ressources sont menacées. Personnellement, cela me freine dans leur utilisation.


Je suis également convaincue que nous avons tout intérêt à privilégier des remèdes qui sont en adéquation avec notre culture et notre environnement local. Ces plantes, bien qu’efficaces, ne sont pas toujours adaptées à notre contexte territorial."


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Son point de vue sur l'accoutumance physiologique aux plantes adaptogènes.


M. C. - "À mon sens, les plantes adaptogènes sont des remèdes très puissants dont il ne faut pas négliger les effets. C’est pourquoi je ne les recommande que sous forme de cures limitées dans le temps et en quantités appropriées.


Je conseille fortement de faire appel à un professionnel pour leur utilisation, car elles peuvent être délicates à utiliser en automédication sans un accompagnement adéquat.


J’adhère pleinement au principe de précaution. En tant qu’herboriste, il est crucial d’être vigilant : plus nous sommes attentifs et mesurés dans nos pratiques, plus notre profession gagne en crédibilité, et moins nous risquons de la mettre en danger. Il est essentiel d’adopter une approche individualisée et d’éviter toute généralisation dans l’usage de ces plantes."


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Comment les utilise-t-elle en cabinet de consultation ?


M. C. - "En consultation, il m’arrive de conseiller des plantes adaptogènes. Je les propose généralement sous forme de compléments alimentaires, en travaillant avec des laboratoires spécifiques, en qui j’ai confiance pour la qualité des matières premières et leur éthique.


Cependant, je ne les recommande pas systématiquement. Je les réserve à des personnes pour lesquelles je sais qu’elles seront utilisées sous forme de cure et dans des cas très précis. Ce n’est pas le type de remède que je conseille le plus souvent, car ce n’est pas toujours ce dont les gens ont le plus besoin.


En cabinet, ce qui m’intéresse, c’est de proposer des solutions qui permettent aux personnes de retrouver un véritable rebond énergétique. Par exemple, j’utilise fréquemment de la gemmothérapie de cassis, parfois en association avec des adaptogènes.


Dans les cas de grande fatigue ou de burn-out, il peut m’arriver d’être réticente à conseiller des adaptogènes. Souvent, les personnes dans ces situations auraient besoin de travailler sur les causes profondes de leurs problèmes plutôt que de se tourner vers des solutions ponctuelles.


Mon approche est globale et holistique. Mon objectif est toujours de bien évaluer les besoins de mes clients pour leur proposer les remèdes les plus adaptés à leur situation."


 

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Pour en savoir plus sur le monde de l'herboristerie et des plantes adaptogènes, n'hésitez pas à visiter le site de Marie Nauleau : https://www.mnphyto.fr/ et la page Facebook de Floriane Chakri : Globe Flower


 

Sources :


Ajay Semalty ; Mona Semalty ; Vandana S. Panda ; Kirtika H. Asrani ; Hardik D. Ashar Schweizerische Zeitschrift für Ganzheitsmedizin / Journal suisse de médecine intégrative (2012) 24 (3) : 155-168. 


J Sicard - Actualités Pharmaceutiques, 2021 - Elsevier 

Abedon, B. , Auddy, B. , Hazra, J. , Mitra, A. et Ghosal, S. ( 2008 ). Un extrait standardisé de Withania somnifera réduit considérablement les paramètres liés au stress chez les humains chroniquement stressés : une étude en double aveugle, randomisée et contrôlée par placebo . Jana , 11, 51 . Chandrasekhar, K. , Kapoor, J. , & Anishetty, S. ( 2012 ). Étude prospective, randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, sur l'innocuité et l'efficacité d'un extrait à spectre complet à haute concentration de racine d'ashwagandha pour réduire le stress et l'anxiété chez les adultes . Indian Journal of Psychological Medicine , 34 ( 3 ), 255 – 262 .


LANSARI, Souheyr Amira. Les plantes adaptogènes: évolution des connaissances au cours des dix dernières années. 2020. Thèse de doctorat. 


Lansari, Souheyr Amira. Les plantes adaptogènes: évolution des connaissances au cours des dix dernières années. Diss. 2020. 

Todorova, V. ; Ivanov, K. ; Delattre, C. ; Nalbantova, V. ; Karcheva-Bahchevanska, D. ; Ivanova, S. Adaptogènes végétaux – Histoire et perspectives futures. Nutriments 2021 , 13 , 2861. https://doi.org/10.3390/nu13082861  


de Oliveira, JR, Camargo, SEA et de Oliveira, LD Rosmarinus officinalis L. (romarin) comme agent thérapeutique et prophylactique. J Biomed Sci 26, 5 (2019). 


J.-M. Botto Les phytoadaptogènes : une catégorie à part d’extraits de plantes aux propriétés pléiotropes d’adaptation à notre environnement 

Phytothérapie (2023) 21:75-86 DOI 10.3166/phyto-2022-0364 


Ajay Semalty ; Mona Semalty ; Vandana S. Panda ; Kirtika H. Asrani ; Hardik D. Ashar Schweizerische Zeitschrift für Ganzheitsmedizin / Journal suisse de médecine intégrative (2012) 24 (3) : 155-168. 


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