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Pharmacie et Amour des plantes, entretien avec Julian Lhoir


Julian Lhoir est pharmacien, aromathérapeute, gérant de la pharmacie Tenbosch et co-fondateur de Chakana.
Julian Lhoir est pharmacien, aromathérapeute, gérant de la pharmacie Tenbosch et co-fondateur de Chakana.

Découvrez le parcours de Julian Lhoir et sa passion des plantes médicinales qu'il intègre dans son quotidien de pharmacien.


Un entretien mené par Margaux Crickx pour l'Union Belge des Herboristes, qui fait le lien entre pharmacie et herboristerie et nous ramène aux sources de notre métier.



 


Margaux Crickx est membre de l’Union belge des Herboristes, nutrithérapeute (2024) et aromatologue (2020), passionnée par l’alimentation vivante et l’harmonisation des émotions par l’aromathérapie. Elle vous reçoit en consultation à Bruxelles (l’Espace à Saint-Gilles) ou en ligne. Pour plus d’info, consultez son compte Instagram : margaux.crickx
Margaux Crickx est membre de l’Union belge des Herboristes, nutrithérapeute (2024) et aromatologue (2020), passionnée par l’alimentation vivante et l’harmonisation des émotions par l’aromathérapie. Elle vous reçoit en consultation à Bruxelles (l’Espace à Saint-Gilles) ou en ligne. Pour plus d’info, consultez son compte Instagram : margaux.crickx

Margaux : Mettons un peu de contexte !


Pour l’Union belge des herboristes, fondée il y a 4-5 ans, on a décidé qu’il fallait vraiment faire quelque chose concernant le statut et la légitimité du métier d’herboriste.


Pendant le Covid, beaucoup d’herboristes ont été considérés comme des commerces non essentiels, bien qu’ils restent soumis aux règles de l’AFSCA. Cette situation a ravivé les questionnements sur la reconnaissance du métier.


Nous nous sommes ralliés entre professionnels, et nous avons réalisé qu’il était essentiel de nous rapprocher des personnes qui pratiquent l’herboristerie sous toutes ses formes, y compris dans d’autres métiers.


Pourquoi ? Parce que cela nous apporte de la crédibilité et de la légitimité, permet des échanges et crée un véritable réseau autour de la profession et de sa défense.


Sachant que tu manies tes compétences de pharmacien, aromathérapeute et phytothérapeute au quotidien, j’ai voulu en savoir plus sur la manière dont tu intègres l’amour des plantes dans ta carrière de pharmacien.


Un parcours entre pharmacie et amour des plantes


Margaux : Peux-tu te présenter en quelques mots ?


Julian : Je suis pharmacien depuis 1999. Durant mes études, j’ai eu l’opportunité d’être étudiant-chercheur. Cela signifie que pendant les trois dernières années de mon cursus en pharmacie, en plus de mes études, je menais des travaux de recherche dans un laboratoire de pharmacognosie à l’université.


La pharmacognosie est l'étude et l'enseignement des substances venant du vivant ayant un intérêt thérapeutique. Il s'agit d'approfondir les connaissances sur les plantes déjà apprivoisées et de découvrir de nouvelles plantes permettant de soigner.

Dans ce cadre-là, j’ai commencé un travail de recherche sur une plante et, une fois diplômé, j’ai décidé de poursuivre mes recherches en entamant un doctorat en pharmacognosie. En parallèle, j’étais assistant universitaire et j’encadrais les étudiants de 3e et 4e année en chimie analytique.


Madagascar est une île située dans l'océan indien, au large de la côte sud-est de l'Afrique.
Madagascar est une île située dans l'océan indien, au large de la côte sud-est de l'Afrique.

Au cours de mes recherches, j’ai eu l’opportunité de partir à Madagascar pour mener une étude clinique sur une plante utilisée localement pour traiter les lithiases rénales. Mon laboratoire avait des connexions avec un institut de recherche sur place, et j’ai donc pu étudier son efficacité directement auprès de patients malgaches.


Curieusement, Madagascar connaît un nombre élevé de cas de lithiases rénales, probablement en raison de la qualité de l’eau. Il y avait donc un réel besoin d’un traitement naturel efficace, sans effets secondaires. Là-bas, cette plante – un cactus local – était consommée sous forme de tisane. Mon étude a confirmé son action bénéfique.


En revenant en Belgique, j’aurais aimé poursuivre ces recherches, mais il fallait davantage de financements, et j’étais livré à moi-même pour trouver des subsides. Après deux ans de lutte administrative et financière, j’ai décidé d’abandonner mon doctorat. Malgré cela, cette expérience m’a définitivement orienté vers l’étude et l’usage des plantes en médecine.


Margaux : Pendant tes études, tu as donc commencé à t’intéresser aux plantes, alors que l’enseignement en pharmacie est plutôt axé sur l’allopathie. Était-ce un cheminement personnel ou étais-tu entouré d’autres étudiants intéressés par la pharmacognosie ?


Julian : J’étais plutôt seul au début. Dans ma promo, la majorité des étudiants se dirigeaient vers des domaines plus classiques comme la pharmacologie, la recherche sur le cancer ou d’autres branches très allopathiques.


Mais petit à petit, une émulation s’est créée autour de la pharmacognosie avec des étudiants plus jeunes qui s’y sont intéressés. À ce moment-là, j’ai vraiment senti que c’était un domaine porteur. Puis, quand j’ai commencé à travailler en officine, j’ai été confronté aux demandes des patients, et c’est là que j’ai vraiment appris mon métier. La théorie, c’est bien, mais la pratique, c’est totalement différent.


Margaux : Quels types de demandes de clients en pharma t’ont particulièrement marqué au début ?


Julian : Il y a eu des demandes que je n’avais jamais étudiées en pharmacie. Par exemple, quelqu’un m’a un jour demandé du Ravintsara. Je ne savais même pas ce que c’était ! Pourtant, c’est une plante malgache, et j’avais travaillé sur une plante de Madagascar…


Ravintsara - Cinnamomum camphora
Ravintsara - Cinnamomum camphora

J’ai donc cherché, et j’ai découvert que c’était une huile essentielle. Et là, je me suis rendu compte d’un trou énorme dans ma formation : en pharmacognosie, on abordait les plantes, mais pas du tout la pratique des huiles essentielles. Je ne savais pas combien de gouttes utiliser, comment les appliquer… C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me former en aromathérapie. J’ai suivi mes premières formations avec Dominique Baudoux vers 2002-2003, à une époque où l’aromathérapie n’était plus très présente en pharmacie et était reléguée aux magasins bio.


Puis, en 2006, j’ai commencé à travailler chez Pharmacies Servais. Là, j’ai eu la chance d’être soutenu dans mes formations et j’ai pu approfondir mes connaissances.


Margaux : Tu es donc passé de la découverte des huiles essentielles à leur transmission ?


Julian : Exactement ! Chez Servais, j’ai commencé à former le personnel sur les huiles essentielles et la phytothérapie. On était une quarantaine, et peu à peu, j’ai formé toute l’équipe. Puis, on s’est dit : “Pourquoi ne pas aussi former les patients ?”


C’est ainsi que j’ai commencé à organiser des formations grand public sur les huiles essentielles et les produits naturels. J’ai d’abord donné des sessions à Waterloo, puis à Grez-Doiceau. J’en faisais énormément chaque semaine, en plus de mon travail à la pharmacie.


Petit à petit, je me suis aussi intéressé à d’autres domaines comme les produits de la ruche, l’argile, la gemmothérapie, et plus tard l’olfactothérapie.


Margaux : Tu as donc exploré différents domaines liés aux plantes. Aujourd’hui, comment intègres-tu ces connaissances dans ta pratique quotidienne en pharmacie ?


Julian : J’adapte mes conseils en fonction des demandes des patients. Par exemple, pour les pathologies virales, l’allopathie est souvent limitée – regarde le Covid, on s’est retrouvés totalement démunis.


En revanche, les solutions naturelles comme les huiles essentielles, la gemmothérapie ou certains extraits de plantes offrent des alternatives intéressantes. Ce sont des outils très efficaces, presque sans effets secondaires, et qui permettent souvent d’agir à la racine du problème plutôt que de simplement masquer les symptômes.


Margaux : Tu parlais de la gemmothérapie, ce n’est pas encore très courant en pharmacie. Comment l’utilises-tu ?


Julian : Effectivement, la gemmothérapie (utilisation des bourgeons de plantes) est encore peu répandue en pharmacie. Nous, à la Pharmacie Tenbosch, nous avons fait le choix de l’intégrer largement.


Nous travaillons avec des médecins spécialisés en endobiogénie, qui utilisent beaucoup la gemmothérapie. Grâce à ça, nous avons une demande importante et nous avons pu mettre en place un vrai rayon de gemmothérapie en officine. Certaines références comme le cassis en gemmothérapie sont des best-sellers. C’est un tonique général qui aide en cas de fatigue, de baisse d’énergie ou de burn-out. Beaucoup de patients l’achètent régulièrement et reviennent parce qu’ils ressentent vraiment ses bienfaits.


Margaux : Et l’olfactothérapie dans l’aromathérapie ? Est-ce une demande des patients ou est-ce toi qui la proposes ?


Julian : C’est plutôt moi qui l’amène dans la discussion, mais les patients y sont très réceptifs.


Les gens en ont marre de prendre des comprimés, et dès qu’on leur propose une alternative sous une autre forme, ils sont curieux. L’olfactothérapie est un domaine fascinant car l’odorat est directement relié aux émotions et au système nerveux.


Par exemple, l’huile essentielle de Laurier noble est l’une de mes préférées. Elle aide à renforcer la confiance en soi, et je l’utilise moi-même avant une conférence ou une formation.


Margaux : Avec toutes ces connaissances et formations annexes, est-ce parfois compliqué pour toi de concilier l’allopathie et les médecines naturelles dans ton métier de pharmacien ?


Julian : Oui et non. Je m’adapte toujours au patient en face de moi.


Si quelqu’un vient avec une ordonnance remplie de médicaments allopathiques, ce n’est pas la peine de lui parler de plantes ou d’huiles essentielles : il risque de me rire au nez. Mais à l’inverse, il y a des patients qui reviennent régulièrement et qui cherchent d’autres alternatives. Là, je peux proposer quelque chose de plus naturel, et souvent, ça fonctionne très bien.


Par contre, ce qui me dérange, c’est l’impact des médias sur la perception des médicaments. Par exemple, beaucoup de gens prennent encore du paracétamol en pensant que ça va guérir un rhume. Or, ça ne soigne rien, ça soulage juste la douleur et la fièvre.


C’est pour ça que j’ai commencé à travailler sur un projet de formation en ligne, pour aider les gens à prendre soin de leur santé autrement et devenir acteurs de leur bien-être.


Margaux: Justement, si tu pouvais faire évoluer quelque chose dans la relation entre pharmaciens et herboristes, que souhaiterais-tu ?


Julian : Ce qui devient de plus en plus compliqué pour moi en pharmacie, c’est de trouver des produits naturels de qualité en Belgique.


Les teintures mères, les extraits secs, certaines huiles essentielles ou des remèdes homéopathiques disparaissent peu à peu du marché.

Je dois souvent commander en France, en Espagne ou en Allemagne parce qu’en Belgique, les fournisseurs se raréfient.


Je pense que c’est une stratégie des gros laboratoires pharmaceutiques, qui limitent l’offre pour mieux contrôler le marché.


Si on pouvait s’unir entre pharmaciens et herboristes pour sensibiliser le public et faire pression sur les autorités afin de préserver cet accès aux produits naturels, ce serait une avancée énorme.

Margaux : Un partenariat entre pharmaciens et herboristes pourrait donc être une solution ?


Julian : Oui, clairement. Il y a des herboristes qui ont accès à des filières que je ne connais pas, et inversement. Il y a moyen de créer un échange gagnant-gagnant. Par exemple, j’ai déjà tenté d’établir un partenariat avec une herboriste locale, mais elle était tellement débordée que ça n’a pas abouti. Pourtant, dans notre pharmacie, Amandine, qui est pharmacienne et formée en herboristerie, pourrait jouer un rôle clé dans ce genre de collaboration.


Margaux : En conclusion, si tu devais donner un message aux professionnels de la santé naturelle et aux patients qui s’intéressent aux alternatives aux médicaments classiques, que leur dirais-tu ?


Julian : Je leur dirais d’oser aller plus loin.


Il y a encore beaucoup de freins liés à l’éducation, aux idées reçues ou aux lobbys

pharmaceutiques. Mais les médecines naturelles ont un potentiel énorme, à condition de bien les utiliser.


Et surtout : il faut former et informer. Parce que trop souvent, les gens pensent que “naturel” signifie “sans danger”, et ce n’est pas toujours vrai. Bien utilisé, le naturel peut être puissant. Mal utilisé, il peut être problématique.

 

Retrouvez les bons conseils de Julian Lhoir à la pharmacie Tenbosch et sur le site Chakana. qui vous propose des formations, des séjours bien-être et des voyages initiatiques !


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